maandag 6 mei 2013

Optimisme et quête de sens


Nicolas Peltier est CEO de la société Anatole, qu’il a créée en 1999.  Anatole est un des leaders européens du Telecom Expense Management (TEM), une solution qui permet aux entreprises de maîtriser au mieux leurs coûts télécoms.
Ce pourrait juste être la chronique d’une société qui réussit. Mais à la faveur d’un cheminement personnel,  Nicolas Peltier a décidé d’entamer une transformation en profondeur de son entreprise : quand la quête de sens et la recherche d’un accomplissement pour chacun des salariés deviennent des priorités. 

Témoignage d’un chef d’entreprise en mutation:

Qu’est-ce qui vous a conduit à cette remise en question ?
Nicolas Peltier : « C’est d’abord une histoire de maturation personnelle. A l’origine, un évènement particulier s’est produit qui a déclenché ma prise de conscience. Collusion du propre et du figuré.  A force de courir sans cesse, sans trop regarder autour de moi, je me suis trouvé en face d’un mur et je m’y suis même heurté. J’ai ressenti alors l’urgence de ralentir et de prendre le temps de me poser les bonnes questions. »

Comment décririez-vous ce processus ?
Nicolas Peltier : «  J’ai compris que j’étais en quête de sens profond alors j’ai commencé à rassembler les pièces du puzzle.
J’ai réalisé que quand la course à la croissance et les objectifs de résultat net mènent la danse, ils engendrent des situations contraires aux objectifs humains. C’est particulièrement vrai pour les entreprises cotées qui font peser ces contraintes sur leurs fournisseurs. Par ricochet tout le monde se retrouve dans le même bain.
Tout est conçu pour un maximum d’efficacité et le découpage des tâches sert ce processus. Il faut produire sans s’arrêter et sans commettre d’erreur. Si l’on ne réussit pas avec 99% de succès, on est considéré comme incompétent. Plane toujours la menace d’être remplacé par le suivant. Quand la finance est une fin au lieu d’être un moyen cela génère des dérèglements et des souffrances.  Les investisseurs financiers, si compréhensifs soient-ils, obéissent à des règles. Je considère que la responsabilité de cette situation est collective. Mais la conséquence, c’est qu’on a des vies assez malheureuses au travail et, pire encore, que cette course à la croissance se passe au détriment de la planète.
J’ai progressivement pris conscience que tout cela n’avait vraiment aucun sens. Sauf à être cupide et avide. Si l’objectif est d’accumuler le maximum d’argent, alors oui on est aligné avec ce mode de fonctionnement. Mais ce n’est pas mon cas. »

Quel étaient vos ambitions en  créant votre entreprise ?
Nicolas Peltier : « Je considère la création d’entreprise comme une pierre à l’édifice de la société. Et je me suis toujours demandé quelle pouvait être notre meilleure contribution. La seule poursuite d’objectifs financiers ne me satisfait pas, tout comme la perspective de ma rémunération ne m’a jamais  permis de me lever le matin."


Quel effet a eu votre prise de conscience sur le regard que vous portez sur votre entreprise ?
Nicolas Peltier : « Ces dysfonctionnements que j’ai constatés au niveau global, j’ai réalisé qu’ils avaient des conséquences au niveau d’Anatole. Mais jusque-là je n’y avais pas particulièrement prêté attention. Les aspects financiers, les objectifs de croissance qui nous guidaient impactaient beaucoup nos décisions en termes de priorités. Tout ça avait pour conséquence un certain manque de sens qui  rendait les choses difficiles en termes d’organisation et d’interaction des salariés.
En tant que chef d’entreprise, je suis convaincu d’avoir une très grande responsabilité dans ce qui se joue là, et je crois que rien ne peut changer vraiment sans prise de conscience du dirigeant. C’est une étape clef. »

Au fil de votre quête, quelles démarches avez-vous engagées ?  
Nicolas Peltier : « Je me demandais comment introduire en entreprise les ressorts qui m’avaient conduit à une transformation personnelle. J’ai notamment rencontré Business & Optimism en Belgique et j’ai participé à leurs ateliers. Au début, je ne croyais pas aux vertus du partage d’expérience. C’est pourtant ce qui m’a fait faire des bonds en avant. Cela me paraissait pourtant compliqué parce qu’en France une telle démarche est plutôt innovante. Alors j’ai demandé à Laurence Vanhee de Business & Optimism de nous accompagner. »

Qu’avez-vous décidé pour Anatole ?
Nicolas Peltier : « Nous devons répondre aux questions du « pourquoi ? » -quel est le sens de ce que l’on fait ?- et aussi du « comment ? » -notre façon de travailler répond-elle aux aspirations de chacun -? Le chemin est aussi important que la finalité. Ce projet doit prendre en compte notre impact écologique et l’épanouissement de chacun, tout en en maintenant une équation globale : l’entreprise doit être rentable pour continuer d’exister. L’interprétation financière reprend alors sa place de simple outil de mesure des résultats, une règle du jeu comme une autre. L’axiome de base, c’est l’humain et plus la performance financière. Et la bonne nouvelle, c’est que quand on prend les choses à l’envers.. ou plutôt je devrais dire quand on les remet à l’endroit, on constate des améliorations énormes. Sur tous les plans, et en particulier financier. »

Concrètement, comment cela se traduit-il ?
Nicolas Peltier : «Le projet est baptisé « Happy Anatole » c’est un choix qui a été fait à dessein, pour inviter les gens à réagir. Nous avons commencé à utiliser Yammer (équivalent de Facebook intra entreprise ndlr). J’y ai créé un groupe qui porte le nom de Happy Anatole et dans lequel j’explique les objectifs du projet de transformation, ses origines et ses intentions, comme je viens de le faire avec vous. Et ce réseau social interne a vraiment engendré de nouvelles possibilités. Tout le monde peut s’impliquer, participer et partager des idées au moment où il le choisit. 
Laurence Vanhee, forte de son expérience,  est intervenue pour nous aider à décliner le projet.  Elle a rencontré un certain nombre de salariés (managers ou non) qui avaient manifesté de l’intérêt pour le projet. Laurence a pu constater d’une part que le sujet résonnait profondément mais aussi qu’il existait de nombreuses tensions fonctionnelles, de contradictions et de frottements dans l’organisation et qu’il n’y avait pas d’alignement en termes de visions. 
Le premier travail a consisté à mettre à plat la stratégie de l’entreprise, pas en vue de réaliser 15% de résultats nets, mais en termes de sens : où voulons nous aller et comment, en appliquant quelles règles du jeu. Nous avons instauré un groupe de travail composé de managers qui planchent sur le sujet. A chaque étape, ils partagent ensuite leurs avancées sur Yammer et chacun peut réagir et contribuer.

Etes-vous prêt à accepter tous les changements qui vont découler de cette démarche ? Y compris en termes de mode de management ?

Nicolas Peltier : « S’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que je suis prêt à tout ! Bien sûr on ne changera pas tout du jour au lendemain. La route est encore longue avant que l’on ait pu définir comment ces changements vont pouvoir se décliner pour chacun. On parle à minima de plusieurs mois et peut être pour certains sujets de plusieurs années. Mais ce qui est sûr je ne me suis fixé aucune limite. On est tellement prisonnier de nos limites, qui sont largement créatrices de problèmes!!! »

Quid  des résistances que vous  rencontrez chez vos salariés ?
Pour le moment on a soulevé plus de questions que de réponses mais je ressens l’évolution d’une prise de conscience chez tout le monde. Chacun a une façon de voir les choses ce qui entraine bien sûr des résistances,  et puis il y a des sujets de fond qu’on n’a pas encore abordés. Et ces transformations en cours impactent nécessairement le fonctionnement  personnel de chacun et peuvent entrainer des grosses remises en question sur tous les plans, du management à l’organisation en passant par  l’évaluation. Il est donc indispensable de nous préparer à cela. Nous avons entamé un travail d’analyse personnelle à l’aide du MBTI (test psychologique).
On avance étape par étape. Mais l’enjeu est que, in fine, chacun ait une vision d’ensemble et la perception de son impact sur le tout.

Comment vivez- vous ce qui se passe là ?
Je suis heureux.

Propos recueillis le 5 Février 2013 

Posté par Christine Cayré B&O France